Bande dessinée, Littérature

Redevenir bestial avec Love, redécouvrir l’amour avec des animaux – Quatre albums de Brrémaud et Bertolucci

Aujourd’hui, je pousse un doux cri : LOVE.

Autorités scientifiques, licences poétiques, postulats d’ouvrages sur l’animal de compagnie : on entend, on lit, on subit de toutes parts les arguments pour ou contre l’idée que les animaux aiment. Parfois négation idiote de toute sensibilité animale affirmant que l’amour, c’est l’apanage de l’homme ; d’autres fois, projections et transferts des sentiments dits « humains » qui peuvent mener à un charlatanisme plutôt inoffensif prônant que « oui ! Votre chat vous aime ! Pas plus, pas moins, pas différemment que votre enfant/compagnon/meilleur ami (rayez la mention inutile) ! »…

Quelle expression que ce « Je t’aime » ! « Aimez-moi », « Aimons-nous », « Aimons-les ». Quels termes recherchés, pourchassés, assénés. Que d’amour lancé en effusion entre nous. Que d’amour… mais que de haine. Que de détestation. Que de cruauté. Que d’arrière-pensées, que de double-sentiments, que de revirements. Et si nous n’aimions pas mieux, pas moins bien que les animaux ? Et si nous étions la seule espèce à ne pas savoir ce qu’est l’amour ?

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Le Tigre, page 43

LOVE.

« Dans le règne animal, les bêtes ne s’aiment pas, mais ne se détestent pas non plus.
L’amour et la haine forment un tout. Un tout universel, un ensemble suprême qu’on pourrait appeler le divin ou encore amour.
L’amour que l’homme n’atteindra jamais. »

LOVE.

Petite bouffée d’air frais à la lecture de Love, roman graphique scénarisé par Fédéric Brrémaud et dessiné par Federico Bertolucci. Il est fort probable que vous soyez touché, quelque peu remué, que vous versiez une petite larme à la lecture des quatre Love parus à ce jour chez Ankama : ce sont de belles histoires, émouvantes et très justes. Vous ne serez peut-être pas complètement chamboulé ni absolument désaxé, quoique… Pour ma part, dès que cela touche à des animaux… je fonds. Et ça n’a pas loupé.
Les histoires de Love ne reposent pas sur un postulat inédit : cette conception d’un amour animal plus « vrai » et surtout moins pervers que l’amour humain n’a pas germé dans la pensée de l’homme lors de la dernière pluie. Il reste que ces romans illustrent à merveille une interrogation sur l’animal et, par extension, sur l’homme qui a cours depuis probablement toujours. On est alors très attendri par le tigre, le renard, le lion et les dinosaures que l’on accompagne à tour de rôle.
Ces romans sont muets : les animaux ne s’expriment pas… avec des mots. Ces romans sont parlants : les animaux communiquent, espèrent, ressentent… sans paroles.

LOVE.

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Le Renard, page 14

Niveau graphismes, j’ai été très sensible au trait et aux couleurs de Bertolucci, qui me rappellent un peu le dessin et les aquarelles de Juanjo Guarnido dans Blacksad, à cette différence (qui n’est pas des moindres, et qui n’est pas l’unique) que dans Love, les animaux ne sont pas humanisés. Vous me direz : le projet des deux artistes n’est pas du tout le même !
N’empêche, je les compare. L’anthropomorphisme pour lequel opte Guarnido (et que l’on retrouve évidemment chez Disney, pour qui il a travaillé. (À noter que Bertolucci aussi a travaillé pour Disney… Le monde est si petit.)) n’est donc pas du tout de mise dans Love. En tout cas, pas de la même manière… Et c’est là que j’ai été agréablement surprise et que Love m’a, en quelque sorte, remise à ma place : petite leçon d’humilité bonus. J’ai été en effet à plusieurs reprises étonnée de tomber sur des cases où l’animal avait une expression que je qualifiais spontanément d’« humaine »…

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Le Tigre, page 57

J’étais étonnée parce que, justement, j’avais en tête ce présupposé que j’observais des animaux très peu humanisés dans ces romans. Et puis, j’ai regardé mes propres chats, j’ai repensé aux expressions faciales qu’ils peuvent avoir, à ce que parfois je parviens à lire en eux. Je me suis alors aperçue que c’est moi qui peux avoir, malgré moi, une appréhension trop obtuse des émotions animales. Face à ce renard apeuré, face à ce lionceau heureux – souriant –, face à ce tigre en colère, je n’ai pas su, sur le coup, penser autre que chose que : « Tiens, on dirait un homme. » De l’anthropocentrisme de l’humain : quel dommage. Jusqu’à comprendre, pour de bon, que l’animal n’a pas d’« expressions humaines », il a tout simplement des expressions.

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Le Lion, page 74

Attention, voici venu le moment où j’enfonce peut-être une porte ouverte : l’animal aussi est en colère, il a peur, il est content, mais il est aussi vexé, frustré, attendri, attaché, lassé, etc., etc. Et Love l’illustre tellement bien… Et cela me ravit.

LOVE.


LE TIGRE

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Il se réveille, il s’étire… Il a faim : il part en chasse. Un tapir croise sa route, et la course-poursuite commence. C’est la faim qui guide. Le tigre traque et en traquant… est traqué, attaqué, agressé, menacé.
La jungle n’épargne personne, n’a aucun favori. Crocodiles, macaques, serpents, éléphants, et tant d’autres… Panorama d’une faune où s’illustre l’amour véritable. Mais lorsque le tigre chasse, où est donc l’homme ?

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Le Tigre, page 69

LE RENARD

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Une île, des animaux terrestres, marins, aériens menant leur quotidien. Un renard. Solitaire, il chasse mulots et lapins. Et puis… Le volcan, une éruption : le chaos.
La lave coule, le feu se répand, les pierres tombent. Ceux qui n’ont pas encore compris continuent de vivre et de survivre, les autres fuient. Le renard se lance lui aussi dans une course effrénée… à contre-sens ! Il semble se diriger tout droit vers le danger… vers la mort ou… vers l’amour ?

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Le Renard, page 27

LE LION

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Jeune et errant, cherchant sa place, son groupe, son harem. Sa vie n’est que rapports de force : il est impressionné, il est rejeté, puis à son tour il impressionne.
Une savane où tous les animaux vivent en harmonie ; des lois d’animaux, d’une nature réglée : l’amour. Sans le savoir, le jeune lion se rapproche d’un groupe bien formé, au chef puissant, serein, impatient : la rencontre – non, la confrontation est inévitable.

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Le Lion, page 21

LES DINOSAURES

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Lors d’une partie de chasse,un bambiraptor perd son groupe. Il est seul : face à l’immensité des autres dinosaures, il trouve refuge et protection auprès d’un isisaurus : serait-ce aussi cela, l’amour ?
Ses deux plus grands ennemis ? Rien de moins qu’un grand ptérodactyle et, bien sûr, un redoutable tyrannosaure rex… Mais une autre menace pèse sur lui et sur l’ensemble de la vie, une menace dont très peu seront protégés.

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Les Dinosaures, page 10

LOVE.

Et pour finir, deux derniers petits mots : ces romans vous offrent de véritables moments de contemplation des différentes natures, de paysages magnifiques, de scènes tendres et d’autres saisissantes… Enfin, à la fin de chaque volume, vous avez droit à un petit « Love art » composé de quelques croquis et autres dessins préparatoires, et, pour le volume sur les dinosaures, quelques storyboard et projets de couvertures sympathiques voire pleines d’humour !

Allez, lisez Love, et comprenez l’amour.

Images et citation : Bertolucci, Feredico, Brrémaud, Frédéric, Love, Ankama Editions :
Le Tigre (2011)
Le Renard (2012)
Le Lion (2014)
Les Dinosaures (2015)

5 réflexions au sujet de “Redevenir bestial avec Love, redécouvrir l’amour avec des animaux – Quatre albums de Brrémaud et Bertolucci”

  1. Comme je te le disais, ton article me donne vraiment envie de découvrir ces albums… Et alors les images finissent de me convaincre qu’il me les fait ! 🙂
    Merci pour la découverte !

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  2. Aaaaaaahh (voix de canard), j’veux pas les lire parce que je veux pas pleurer et tout et tout, mais franchement, ça donne envie, oh ça oui oui oui (voix de Serizawa), même si honnêtement, c’est trop bête de dire que les animaux ils ont des émotions et tout (lol(voix de ouaich)).

    Aimé par 1 personne

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